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Capitaine Chichko

29 décembre 2013

DEUXIEME SAUT DE PUCE

Au quai des orfèvres, le bavardage entre les policiers devant la machine à café était animé et entremêlé de rires. Ils discutaient sur lalégendaire capacité du doyen des médecins légistes des locaux, Albert Devienne, de rester zen quel que soit le cadavre découvert alors qu’ils ne réussissaient pas toujours à l’être. A certaines reprises il leur était arrivé d’aller de côté pour vomir. Chichko était de la conversation et c’était de l’événement de la veille qui était le fil conducteur de leurs conversations.

-Chichko ! Le patron veut te voir maintenant.

Le bavardage stoppa net et le policier désigné fut l’objet des regards de ses collègues. Un commissaire, même s’il faisait un mètre quatrevingt-dix et proche des cent kilos avec des cheveux clairs rasés de près et qui pratiquait diverses activités physiques était toujours un poids plume avec son supérieur. Surtout s’il s’agissait d’un Divisionnaire, le Commissaire Divisionnaire Marcel Lombert en l’occurrence, un doyen aussi, qui a grandi dans la Maison avec Albert Devienne.

Chichko se dirigea avec les regards inquiets de ses collègues sur son dos vers la porte d’où l’avait appelé Franck Martin, un ancien équipier originaire des Antilles avec qui il avait pratiquement tout partagé, même les femmes et les coups dans la tronche, durant leur long binôme de cinq ans. S’ils ne travaillaient plus ensemble, Franck Martin était entre temps devenu le bras droit du Divisionnaire Lombert, et ne se voyaient plus trop souvent, leur amitié devenue indéfectible. Ils se dépannaient lors de coups durs.

Chichko, entré dans la pièce, s’arrêta à près d’un mètre du bureau de son patron. Martin avait fermé la porte derrière et s’y adossa. Lombert était en train de regarder attentivement son ordinateur et leva ses yeux cerclés de fines lunettes rondes vers Chichko au bout de cinq secondes. Ces cinq secondes lui étaient longues. Et ceci naturellement Lombert le savait.

-Ah Chichko! Je suis content de vous voir. Vraiment !

Sa voix été enjouée, ce qui plaisait encore moins à Chichko. Quelle était la nouvelle embrouille préparée par son patron ? S’agissait-il de la décapitation de la veille dont il n’était pas décidé que c’était lui qui devait prendre l’affaire. Il aurait aimé le savoir par Franck Martin mais il n’était pas impossible qu’il ne le sache pas. Comme dans la vie de tous les jours, chez les flics tout se sait et rien ne se sait.

-Bien récupéré de hier ?
-Bah c’est le boulot ! j’ai vu plus horrible. Là il y avait quasiment pas de souffrance.
-De vieilles histoires qui reviennent.
-Je venais de débuter dans le métier. C’est surtout vous qui vous en êtes occupé.
-Oui ! Et c’est un peu grâce à ces Ohanessian que je suis monté en grade. J’ai donc un peu d’affection pour eux.
-On sait pourquoi il était là ?
-Aux dernières nouvelles, il voulait savoir s’il pouvait reprendre du service en France ?
-Venir nous emmerder.
-Apparemment, il voulait ouvrir une chaîne de magasins spécialisée dans les batteries pour les téléphones et objets informatiques.
-Du fric facile à cacher dans du légal en somme.
-Il a essayé de recontacter certaines de ses connaissances mais ça ne semble pas avoir marché.
-L’histoire avec ces Ohanessian c’est du lourd à porter. Mais finalement je me charge de l’enquête ?

Le divisionnaire lui adressa son plus beau sourire et lui fit signe de la main pour venir à côté de lui.

-Venez-voir ! C’est vraiment formidable cet Internet.

Chichko, debout à côté de Lombert, vit que son patron regardait un site touristique.

-C’est vraiment un joli pays. Je ne le connais pas. Je crois que vous y avez été vous Chichko.

Chichko remarqua qu’il s’agissait de la Bulgarie. Ca lui faisait une drôle d’impression. Sa grand-mère paternelle l’avait amené pour la dernière fois alors qu’il avait dix ans. Trois fois qu’il avait été dans ce pays, il se souvient presque comme si c’était hier. Ca faisait donc déjà bien vingt ans qu’il n’y avait pas été. Il n’ a pas arrêté de s’amuser avec les gamins de son âge et était bichonné par la famille. Subitement, Chichko reprit ses esprits de flic et visa Franck qui en guise de réponse souleva les épaules et montra la pointe de sa langue positionnée derrière ses incisies du haut. Lombert remarqua naturellement et s‘exprima du ton de l‘instituteur courroucé.

-Votre langage codé, pas chez moi Messieurs !

Ambiance pastorale dans le bureau. Franck a tenu à dire par sa mimique qu’il vient tout de juste de l’apprendre. Franck Martin et Norbert Chichko s’étaient inventé un langage lors de leur période en binôme qui étaient basé sur ceux des mimes et des sourds-et-muets. Leur langage leur avait parfois sauvé la vie.

-Oui Patron ! J’y ai été en Bulgarie ! Mais pourquoi vous me demandez ceci ?

Et le Divisionnaire Lombert se mit à rigoler. Chichko et Martin essayaient de se souvenir de la dernière fois l’avoir vu rigoler ainsi.

-Parce que, mon cher Chichko, je pense que vous allez y faire un tour.

Chichko en resta éberlué. Il ne comprenait plus rien. Franck Martin préféra regarder vers les fenêtres. Quant à Lombert, il se détendit sur le dossier de son siège en mettant ses mains derrière la tête.

 

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21 décembre 2013

PREMIER SAUT DE PUCE

Villejuif, douce soirée de fin de mois de septembre, après avoir franchi tant bien que mal la nuée des badauds qui s'attroupaient autour d'un spectacle qu’ils espéraient voir et qu’ils ne le pourront jamais comme ils le savaient malgré tout en raison de la présence de nombreux policiers et du bandeau de périmètre de sécurité installé, le capitaine Norbert Chichko et son adjointe la lieutenante Sezen Deniz, de la Brigade Criminelle, zigzaguaient à travers leurs collègues véritablement affairés de la circonscription du Kremlin-Bicêtre . 

Norbert le chauve et costaud au bouc pointu et Sezen la beauté aux longs cheveux chatains ondulés, jeunes trentenaires, avaient pu entendre de la part de ces badauds toutes les versions possibles et inimaginables alors qu’ils savaient que parmi eux la quasi totalité s'arrogeait être des témoins alors qu’ils ne l’étaient pas, ceci en vue de retenir l'attention sur eux. Ils sourirent intérieurement. Le cirque, comme l’air, l’eau et le pain, était nécessaire à la survie de la condition humaine.

Norbert et Sezen arrivèrent enfin à l’endroit désigné par le policier qui les avait guidés depuis leur arrivée même si le regroupement d’incessants flashes de leurs collègues photographes suffisaient à indiquer exactement le lieu. Ils virent enfin le corps allongé dont ils ne voyaient pas le haut car le massif médecin légiste aux cheveux gris, comme son costume, raides et courts, qui l'examinait masquait ce corps. Norbert s’adressa au médecin en lui mettant une main sur une épaule :
-Bonsoir Doc ! … Alors ?

Entre-temps Sezen se mit de l’autre côté du corps et s’arrêta stupéfaite, la bouche bée et les yeux d’une hallucinée. Connaissant quand même très bien sa collègue pour faire équipe depuis bientôt près de trois ans, Norbert se disait que ce qu’elle avait vu devait être exceptionnel pour ainsi la choquer.

Le médecin légiste retourna sa tête ronde bien bonhomme chaussée de fines lunettes en cercles de métal vers Norbert et se leva, son stéthoscope pendant à son cou comme un collier. Il lui répondit sans se départir de son détachement coutumier que lui semblaient permettre ses cinquante ans passés.

-Il a dû avoir plus de peur que de mal ! Il n'a pas souffert !

Norbert circula de ses yeux le corps à partir des pieds, mais arrivés au niveau des épaules, il dut prolonger son regard un peu plus haut afin de l’arrêter sur la tête aux épaisses bouclettes brunes qui a été tout simplement tranchée. Cinquante bons centimètres séparèrent ces deux morceaux de choix qui avaient besoin d’être ensemble pour fonctionner correctement. La mare de sang qui commençait à sécher entre ces deux morceaux essayait de donner un aspect d’unicité. Le spectacle était saisissant.

Norbert et Sezen devinèrent rapidement qu'il ne s'est probablement déroulé aucune violence hormis l'acte amenant à la mort.

A cet instant, Norbert trouvait même plus intéressant de savoir avec quelle arme le mort a été décapité plutôt que de découvrir le meurtrier même si les impôts versés par le contribuable lui demandaient plutôt de s'atteler à cette dernière tâche.

-D'un seul coup, reprit le médecin-légiste, il lui a coupé la tête ! Je ne peux pas dire avec quoi exactement, une épée, une hache, un sabre,... ou encore une machette, dans tous les cas … au moins une grand arme blanche assez lourde ! Le meurtrier devait être quelqu'un d'habitué à son arme !
-Mouais ! répondit perplexe Norbert encore marqué par la surprise qu’a causée ce type de meurtre plutôt inhabituel.
-Le meurtre a été vraiment très propre, même pas de trace d’infection !

Norbert ne pouvait jamais s’habituer au ton éternellement détaché du Doc pour tous les cadavres. Le Doc poursuivit :

-J’ai même l’impression que le meurtrier, ou la meurtrière, est arrivé par derrière dans le passage de ce bâtiment et lui a dit coucou c’est moi. Sa victime s’est retournée. Et aussitôt après que leurs yeux se sont rencontrés, sa tête a été tranchée.

Norbert observa le bâtiment d’ocre jaune qui était construit presque au milieu d’un vaste groupe d’immeubles plus ou moins massifs de même style construits dans les années 70, d’où l’existence de ce passage permettant de passer ente les bâtiments. Il admit intérieurement le raisonnement plus que plausible du Doc.

Un homme de petite taille plus âgé que le Doc vêtu d’un costume gris foncé agrémenté d’une cravate unie en bordeaux posée sur une chemise blanche et chaussé de mocassins noirs très bien cirés s'approcha d’eux. Il faisait contraste avec leurs blousons de toile, leurs pantalons de jean et leurs chaussures de sport à la mode, il leur adressa la parole :

-Je me présente Commissaire Lisieux, ...Commissaire Principal Paul Lisieux de cette circonscription du Kremlin-Bicêtre. Je sais qui vous êtes Monsieur Chichko, j'ai été averti et nous connaissons tous dans notre commissariat votre réputation !

-Enchanté ! lui rendit Norbert la politesse, touché par ce compliment. Voici mon adjointe, Mademoiselle Sezen Deniz.

-Je connais aussi votre réputation ! reprit Lisieux en la saluant d’un signe de tête, on m'a raconté beaucoup de bien de vous aussi !

Sezen et Norbert ne doutaient pas de la sincérité du policier principal de la circonscription mais devinaient quand même un minimum d'ironie car les yeux de Lisieux brillèrent malicieusement.

Norbert et Sezen formèrent à l’heure actuelle le tandem le plus efficace de la Brigade Criminelle. Mais aussi ils étaient jeunes, ils étaient beaux comme le commun des mortels avait coutume de le dire. Seulement ils étaient réputés pour utiliser de méthodes pas très conventionnelles, ce que le petit monde de la police le connaissait aussi, et aussi surtout le Procureur.

-Il y a eu des témoins ? demanda Norbert.

-Non, ce sont trois gamins du coin qui ont découvert le corps ! répondit Lisieux. En dehors des habitants du quartier, peu de gens s'y rendent. Sauf maintenant ...

Le commissaire Lisieux se tourna vers les badauds qui devenaient de plus en plus nombreux autour du périmètre de sécurité puis se retourna vers les inspecteurs.
-Vous avez eu les dires de ces gamins ? demanda Norbert.
-Oui ! On les a briefés ! Mais bon aucune information permettant d’avancer n’en a pu être tirée. On les a laissés repartir.
-La victime habitait ce quartier ? demanda Norbert.
-Non ! Voici ses papiers ! fit Lisieux en tendant le portefeuille en cuir noir.

Chichko prit le portefeuille et sortit rapidement la carte d’identité. Il sembla marquer un temps de surprise en la regardant. Il reprit son regard vers le cadavre.
-Qu’est-ce qu’il y a Norbus ? fit Sezen.
Norbus était le diminutif utilisé par Sezen pour son capitaine.
-Laissez-moi deviner, un de vos anciens clients ! fit Lisieux en rigolant.
-Effectivement, Daniel Ohanessian, le frère de Victor. Le moins pire des deux.
-Je ne connais pas! fit Sezen.
-Une vieille histoire. Je te raconterai.
-Une bien sale histoire aussi ! se permit de rajouter Lisieux.
Chichko resta un temps silencieux et reprit :
-Mais qu’est-ce qu’il foutait ici ? Son frère a été mort empoisonné. Toute sa famille est repartie en Arménie surtout qu’elle était devenue personnae non grata dans leur communauté à Alfortville. Il y a des Arméniens dans le quartier ?
-Dans le secteur, pas à ma connaissance, c’est plutôt des fonctionnaires de la ville de Paris, des familles d’origine africaine et quelques bobos. Je vais me renseigner.
-Nous allons ressouder le corps au labo pour la morgue ! se faisait souvenir le Doc. Visuellement parlant bien sûr !

Les policiers présents approuvèrent. Le Doc rangea ses ustensiles dans son sac de cuir noir mais garda toujours son stéthoscope comme collier.

-Nous en saurons probablement plus au labo ! conclut-il.

Le Doc prit congé des policiers et effectua son baise-main habituel à Sezen. C’était un plaisir tant pour l’un que pour l’autre, ils ne s’en dissimulèrent jamais.

-Au revoir Commissaire ! fit Chichko. On se tient au courant.
-Pas de souci.

Chichko et Sezen retournèrent vers leur voiture.

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Capitaine Chichko
  • Enquête avec le capitaine Chichko et sa comparse la lieutenant Sezen Deniz en Bulgarie. Ils doivent y retrouver un malfaiteur dont la police croyait mort depuis des lustres. Une enquête à risques dans un pays en perpétuelle transition .
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